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mercredi 1 avril 2015

Réponses d'Eric Coquerel et de Noël Mamère à Jean-Christophe Cambadélis

M. Jean-Christophe Cambadélis
Premier secrétaire du Parti Socialiste
10 Rue de Solférino
75007 Paris
Paris le 31 mars
Monsieur le premier secrétaire,


Votre directeur adjoint de cabinet a bien voulu nous proposer par un mail de trois lignes ce lundi soir une rencontre dans le cadre des « consultations » avec les formations de gauche, que vous pensez nécessaire après votre terrible défaite. Nous avions entendu parler de cette initiative dans la presse la semaine dernière et, bien que cette invitation soit lancée en dernière minute et avec une désinvolture qui signale votre désarroi, nous sommes sensibles au fait que vous ayez distrait le temps précieux de votre directeur adjoint pour nous adresser ce message.
Nous allons cependant la décliner. Le résultat des élections départementales est sans appel : une abstention qui reste massive, une victoire écrasante de la droite, l’enracinement du FN, une déroute de votre parti et de ses alliés que ne parvient malheureusement pas à contrebalancer la bonne tenue des candidatures citoyennes qu’avec nos amis du FDG, et souvent ceux d’EELV, nous avons proposées dans le pays.

Durant cette élection vous n’avez, personnellement, pas cessé d’appeler à une unité factice de la gauche derrière la politique du gouvernement, pour faire obstacle à la montée de la droite et de l’extrême-droite. Cette tactique du « vote utile » a échoué. Le tripartisme est une fiction médiatique : avec une gauche d’opposition à environ 11 % en moyenne nationale et une abstention à 50 %, elle est même un déni démocratique. Bien sûr, vous pouvez continuer à mépriser ce fait. Cela vous a déjà beaucoup réussi.
Aujourd’hui, vous nous proposez d’entretenir cette illusion. Vous nous proposez en réalité de préparer 2017 en nous ralliant derrière la politique de votre gouvernement. Or, non seulement Manuel Valls a annoncé la poursuite de cette politique mais nous savons qu’elle va même s’aggraver. Sur ordre de Bruxelles et de Berlin, s’annonce une loi Macron 2. Elle est pire encore, en termes de dérégulations et d’attaque des acquis du monde du travail que l’actuelle loi Macron dont nous continuons à combattre l’adoption définitive. Malgré le passage en force du 49.3 à l’Assemblée nationale, nous ne perdons pas espoir de vous faire reculer. Nous soutenons notamment les organisations syndicales lors de la grande journée d’actions du 9 avril contre votre politique. Pour passer sous les 3% de déficit en 2017 vous avez accepté 30 milliards d’économies supplémentaires imposées par la Commission européenne, en plus des 50 déjà votées. Vous savez comme nous que François Hollande a déjà accepté une réduction des dépenses publiques de 4 milliards rapidement. Par ailleurs, la fuite en avant du gouvernement dans les mesures les plus anti-écologiques (agriculture, transports, grands projets inutiles imposés…) est à contre-courant de l’intérêt général humain, alors que 2015 devait au contraire être une année de grande mobilisation contre le changement climatique , d’autant que nous accueillerons en décembre la COP21.
Quant à votre politique d’immigration, difficile d’y voir des différences avec celle menée par le gouvernement précédent, sans oublier l’abandon une fois de plus de l’engagement du droit de vote aux élections locales pour les résidents étrangers.
Vous comprendrez bien, dès lors, qu’il est inutile de faire semblant. Nous respectons la volonté de tous nos concitoyennes et concitoyens qui refusent cette politique des apparences et demandent avant tout de la clarté. Il est inutile de venir à votre siège pour vous dire notre refus d’assumer pareille politique.
Toutefois, si le Parti socialiste venait, à l’avenir, à proposer une alternative au pays contestant l’actuelle politique gouvernementale faite d’austérité, de politique de l’offre, de productivisme, de soumission à Mme Merkel et à M. Juncker et de maintien de la 5e République, nous serions évidemment prêts à vous rencontrer. Ce serait une très bonne nouvelle pour notre pays qui souffre a cause de vous.
Dans cette attente, je vous prie de croire, Monsieur le premier secrétaire, à nos sentiments militants.
Eric Coquerel
Secrétaire national à la coordination politique du Parti de Gauche

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Après les départementales, le sursaut ou la fragmentation

Edito Publié le 31 mars 2015 sur le site Rue 89

La claque est dure pour ce qu’on appelait « la gauche ». Elle est défaite K.-O. debout : 27 départements perdus corps et biens, et l’appareil du Parti socialiste touché au cœur. Il va devoir faire face à son plus grand plan social depuis 1992 et tenter de recaser des centaines de membres de cabinets des conseils généraux sortants.
Les bases de la gauche de gouvernement sortent profondément ébranlées de ce tsunami électoral. De nombreux bastions que l’on croyait inexpugnables sont tombés : la Corrèze du Président, l’Essonne du Premier ministre et du « frondeur » Jérôme Guedj, le Nord de Martine Aubry, la Seine-Maritime de Laurent Fabius… Personne ou presque n’a été oublié dans cette tourmente.
Dans le déni complet, les dirigeants du PS nous expliquent que 27 départements perdus, c’est mieux que 40, qu’ils auraient mieux résisté que prévu, que tout est encore possible pour 2017… A condition qu’on se rassemble, le petit doigt sur la couture du pantalon ! Ces fadaises cachent mal le cul-de-sac dans lequel ils ont entraîné le peuple de gauche.

Hollande et Valls coupables

Qui est responsable de ce désastre ? Ceux qui ont refusé de s’embarquer dans ce « Radeau de la Méduse » gouvernemental dont les sirènes appelaient à l’unité ? Fallait-il que, tels des moutons de Panurge, les récalcitrants renient leurs convictions et se sacrifient pour venir s’échouer avec ce rafiot en perdition ?
Décidément, les vieilles recettes ne marchent plus. François Hollande et Manuel Valls ne sont ni Léon Blum ni même François Mitterrand. Ils n’ont pas dirigé le Front populaire et n’ont pas construit l’Union de la gauche. Leur seul titre de gloire est d’avoir démantelé, pierre après pierre, le socle qu’avaient construit leurs aînés. Au nom du réalisme social-libéral d’une gauche de comptables, ils ont non seulement oublié leurs promesses de campagne, mais encore détruit les rêves de leur électorat qu’ils ont poussé dans la désespérance. Dès lors, doit-on continuer à se soumettre à leur logique ? Telle est la question posée à chacun d’entre nous, en son âme et conscience.
Longtemps l’unité a été le sésame de la gauche. Aujourd’hui, elle n’est qu’une impasse. Car le sens même du mot a été perverti par ceux qui l’utilisent pour intimider et détourner les réfractaires à leur politique de gribouille. L’unité, d’accord, mais à quel prix ? A part ceux que l’on va acheter pour un plat de lentilles, qui peut être intéressé par « l’offre politique » du « vallsisme » ? C’est pourquoi je ne participerai pas, le 4 avril, au Canossa de l’écologie, à ce rendez-vous de bourgeois de Calais réunis pour vendre aux enchères, à bas prix, l’écologie politique. Je ne me sens rien de commun avec cette génération qui dilapide le capital laissé par ses aînés pour un poste de sous-ministre temporaire. Je leur laisse bien volontiers ce goût amer de la trahison. Ils perdront à la fois leur honneur et les élections. Quand le bateau coule, on sacrifie toujours en premier les moins utiles aussitôt considérés comme des parasites.

Compter sur la France du bas

Seul un sursaut peut nous sauver, mais il ne viendra pas des forces politiques organisées. Comme toujours dans notre pays, il montera de la France du bas, du tréfonds du peuple. Loin de la résignation et du renoncement, il a déjà engagé la transition culturelle, sociale, écologique. Partout, en France et en Europe, des milliers d’initiatives foisonnent où les gens prennent leurs affaires en main, s’organisent, se mutualisent, s’entraident, loin de nos débats politiques stériles. C’est sur cette France-là, comme sur celle qui souffre, abandonnée aux marges de la République, que l’écologie politique et les forces émancipatrices doivent se concentrer. L’heure est à la fédération des énergies autour d’un autre mode de vie et de développement.
Derrière cette lente décomposition se profile la sortie inéluctable du vieux modèle, basé sur une croissance qui ne reviendra pas. Les Trente Glorieuses, c’est fini.
La tripartition politique n’est pas celle que l’on croit. La France comme l’Europe, a le choix entre trois modèles :
  • la régression généralisée, version national-populisme ;
  • l’ultra-libéralisme et la société de précarité, à la chinoise ou à l’américaine, qui réunit l’UMP et le PS ;
  • la transition démocratique, sociale et écologique. Ce que nous appelons « la société du bien-vivre ». Sauf que cette dernière histoire, n’est pas racontée par les médias et la classe politique, qui préfèrent en rester au FN, à l’UMP et au PS, qui représentent deux modèles en perdition.

Ensemble, autour d’idées simples

« La société du bien-vivre » doit maintenant se donner une expression politique autonome. Il faut en finir avec la fragmentation de la pensée et de l’action militante et refonder la volonté de changement autour d’idées simples :
  • le cosmopolitisme contre le nationalisme et le repli sur soi ;
  • l’autonomie contre les lobbies, car rien ne se fera sans la capacité d’action de ceux d’en bas ;
  • la défense du commun contre la marchandisation de la vie.
Les zones à défendre ne sont pas seulement à Notre-Dame-des-Landes ou à Sivens, mais d’abord dans nos têtes. Nous avons abandonné les quartiers populaires, les chômeurs, les classes défavorisées ; la réalité se venge.
Oui, il faut se rassembler, mais autour d’un projet de société partagé et pas dans un sauve-qui-peut généralisé.
Oui, nous devons mettre en œuvre la convergence des solidarités, pour en finir avec la fragmentation des résistances.
Faute d’avoir engagé la bataille des idées, nous avons retardé le moment de vérité. Nous sommes maintenant au pied du mur. Et c’est là, selon le proverbe, que l’on voit le maçon.

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