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samedi 1 mars 2014

Billet d'humeur : On a trouvé qui était le candidat du PS à Pantin


Petite balade en politique politikern


Les Pantinois étaient pantois. Depuis plusieurs semaines, les panneaux municipaux étaient recouverts chaque jour de mystérieuses affiches marquées du logo au poing et à la rose (emblème du parti dit "socialiste") qui occupaient toute la place disponible au détriment de l'expression démocratique. En ces temps de campagne électorale, les Pantinois s'attendaient plutôt à voir les listes en lice pour les élections municipales du 23 mars 2014 afficher fièrement leurs slogans et les têtes de leurs candidats.

Et effectivement, si l'on avait la chance de passer devant un panneau municipal avant que le colleur stakhanoviste du PS l'eût entièrement recouvert, on pouvait s'amuser à voir par exemple le très jeune Geoffrey Carvalhino, candidat de l'UMP dans une ville de gauche, proclamer sans complexe sur ses affiches : "Ensemble, vivons mieux à Pantin". Comme si les Pantinois avaient pu oublier que pendant 10 ans, les gouvernements de droite avaient tout fait pour monter les pauvres uns contre les autres et pour que l'on vive nettement moins bien dans un pays accablé (sauf à Neuilly) par le chômage ainsi que par la destruction des acquis sociaux et des services publics.

On pouvait sourire aussi à la vue du nom de la liste de nos amis d'EELV (menée par Nadia Azoug) : "Un Pantin d'avance" (ce qui est toujours mieux qu'une marionnette de retard, soit dit sans offense). Quant au sous-titre "l'écologie, la solution", on y aurait souscrit volontiers pourvu que cette solution fût enfin concrètement planifiée, ce qui n'est pas du tout inscrit à l'ordre du jour du gouvernement auquel participe pourtant EELV.
Enfin, on pouvait noter que la liste "Pantin à gauche, l'humain d'abord" : 
  • était portée par un Front de Gauche vraiment uni (pas comme dans la banlieue de Pantin, de l'autre côté du périph'), comprenant le PCF, le Parti de Gauche et des citoyens engagés,
  • déclinait sur le plan local un vrai programme de gauche : le programme "l'humain d'abord" porté en 2012 par Jean-Luc Mélenchon
  • était en avance en matière de parité en étant conduite par un homme et une femme (Jean-Pierre Henry et Clara Pinault), 
  • proposait de faire de Pantin "une ville citoyenne, solidaire, coopérative et écologiste" (voir l'ensemble de nos documents de campagne co-élaborés avec les citoyens pantinois). 
Mais... et la liste du PS, que proposait-elle donc, elle ? Une fleur à épines comme tête de liste et une adresse, celle de la fédération PS de Seine-Saint-Denis au Pré-Saint-Gervais, en guise de slogan.


Pendant ce temps, Bertrand Kern, maire de Pantin depuis 13 longues années, présentait son bilan sous forme d'une grande carte envoyée par courrier aux Pantinois, carte sur laquelle figuraient des lieux ou des équipements dont il s'attribuait un peu indûment la paternité (l'exemple le plus comique étant le Centre National de la Danse, projet enclenché en 1997 par Jacques Isabet, le prédécesseur de Bertrand Kern, lequel à l'époque voulait plutôt faire du bâtiment un parking !). Un bilan un peu falsifié, donc, et contestable aussi (à l'exemple de la coûteuse et inutile vidéosurveillance qui semble faire la fierté du maire), mais surtout aucune proposition nouvelle, bien qu'il fût officiel depuis le 6 janvier que Bertrand Kern briguait un troisième mandat. Ce bilan ne faisait d'ailleurs mention d'aucune appartenance politique et les plus jeunes électeurs pouvaient donc croire leur édile indépendant de tout engagement politique national. 

Il y avait bien un indice, tout de même, rue Hoche, à la permanence de la section PS de Pantin. Au-dessus du poing à la rose qui avait envahi toute la ville trônait toujours une vieille photo d'un certain Bertrand Kern, et les Pantinois plus expérimentés se souvenaient bien sûr que celui-ci avait été élu maire et conseiller général en tant que socialiste (à l'époque, le PS ne s'avouait pas encore "social-démocrate" bien qu'il fût déjà plutôt social-libéral). Mais la photo semblait dater, et dans la mesure où le candidat Kern ne mettait pas le logo du PS sur ses documents de campagne et que le PS ne mentionnait pas Kern sur ses affiches, on pouvait croire que le maire de Pantin s'était affranchi du PS et réciproquement. Les cas de socialistes écoeurés par la politique de droite du gouvernement Ayrault et qui rompent les rangs se multiplient en effet, comme à Montreuil, où ils sont 30 à avoir rejoint en bloc le Front de Gauche. Etait-ce le cas de Bertrand Kern ? Allait-il dénoncer l'austérité et la métropolisation qui vont priver la municipalité de Pantin de tout pouvoir réel ? 

Kern soutient Hollande
Hmm... Voyons. Bertrand Kern a fait campagne pour François Hollande, le président qui a porté la retraite à 66 ans et qui donne des milliards au Medef. 
Il ne s'est pas contenté de voter Hollande pour battre Sarkozy, comme nous l'avons fait, nous, au deuxième tour. Non, il a vraiment fait campagne pour ce président qui avoue à présent ne pas être socialiste (voir photos extraites du blog de Bertrand Kern). 

Bertrand Kern avec Elisabeth Guigou,
Harlem Désir et François Hollande
Il est aussi le suppléant de la députée Elisabeth Guigou, qui ne s'est opposée à aucun des textes du gouvernement Ayrault et qui a milité activement pour l'ANI, le pseudo-accord préparé par le Medef pour précariser encore davantage les salariés. 

Kern, Hollande et Bartolone
Bertrand Kern est aussi le protégé de Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale mais toujours "parrain" de la Seine-Saint-Denis, où il continue à oeuvrer à la conquête par le PS des mairies encore communistes. 

Bertrand Kern ne s'est jamais opposé, par exemple, à la réforme Peillon des rythmes scolaires. Certes, dans une lettre co-écrite avec Claude Bartolone et d'autres "Barto-boys" du 93, adressée au ministre de l'Education nationale le 14 février dernier, il réclame une "clarification" et "un plan d'égalité pour l'école en Seine-Saint-Denis". Mais il félicite aussi le ministre d'avoir "pour objectif la réduction des inégalités scolaires et sociales" alors qu'au contraire, la réforme Peillon aboutit à créer des inégalités entre les territoires et, dans bien des municipalités, à privatiser le temps scolaire au détriment des enfants des familles les plus pauvres (qui n'auront accès qu'à des activités au rabais tandis que les familles plus aisées paieront aux leurs des activités sportives et artistiques)Les parents d'élèves de Pantin savent aussi à quel point le maire actuel a négligé la concertation sur la question des rythmes scolaires (voir notre tract). 

Bertrand Kern a reçu le soutien de l'actuel maire de Paris, Bertrand Delanoë, et de sa dauphine Anne Hidalgo. Pourtant, cette dernière a déclaré : "la pratique que s'est appliquée Bertrand Delanoë est la bonne : pas plus de deux mandats successifs". Or, le maire de Pantin, lui, n'a pas du tout choisi cette "bonne pratique". Au lieu de soutenir un notable qui en sera en 2020, s'il est réélu, à 19 ans d'exercice ininterrompu du pouvoir municipal, Anne Hidalgo, qui a fait alliance avec le PCF à Paris, aurait donc été plus cohérente en soutenant à Pantin le communiste Jean-Pierre Henry : la liste "Pantin à gauche, l'humain d'abord" qu'il conduit s'engage en effet, elle, à "respecter la charte des élus qui comprend notamment une application stricte du non-cumul des mandats en nombre et dans le temps (pas plus de deux mandats exécutifs d'affilée)" (voir notre tract sur la démocratie). 

Bref, Bertrand Kern est tout sauf un dissident du PS. Il apporte un soutien sans faille à la politique de l'offre qui mène le pays vers un accroissement des inégalités, du chômage et de la misère, particulièrement à Pantin. Alors pourquoi ce découplage entre les affiches du PS à Pantin et la campagne de Bertrand Kern ? S'agit-il de faire oublier aux électeurs pantinois, majoritairement de gauche, que le maire actuel soutient et décline localement la politique de droite du gouvernement ?

Le voile a fini par se rompre le 28 février, avec l'apparition des premières affiches du candidat Kern. Si si, regardez bien : le sigle du PS y figure bel et bien en tout petit, en bas à gauche, ainsi d'ailleurs que celui du club Générations Engagées, issu de la droite bayrouiste ou de Génération Ecologie, mouvement qui avait rejoint la droite madeliniste dans les années 90 puis l'UMP dans les années 2000. Voilà donc un "rassemblement de la Gauche, des écologistes et des citoyens" qui ratisse très petitement sur sa gauche (puisqu'EELV, pourtant dans la majorité sortante, a fait courageusement liste à part) mais plus largement sur sa droite, à l'image finalement de ce qui se fait en Europe ou en Amérique latine, où les sociaux-démocrates préfèrent désormais partout s'allier avec la droite plutôt qu'avec la gauche anti-austéritaire.

Avec le slogan "tous pour Pantin pour tous pour Pantin pour tous pour..." — euh non, cela doit plutôt se lire "tous pour Pantin, Pantin pour tous" — le d'Artagnan de l'Ourcq nous gratifie d'un calembour approximatif qui sera peut-être du goût de l'agence de pub BETC Euro RSCG (à qui il a cédé le bâtiment des douanes au lieu d'en faire par exemple le nouveau conservatoire et le lieu de culture pour tous dont la ville a vraiment besoin), mais qu'est-ce que cela nous dit politiquement ? Rien.

Not' bon maire a choisi de faire une campagne exclusivement locale, coupée du contexte national qui pèse pourtant gravement sur la ville. Par exemple, il s'engage à "tout mettre en œuvre, dans les limites des compétences communales, pour que le service public réponde de façon équitable aux demandes des habitants quels que soient leur âge, leur situation sociale ou leur origine" sans préciser qu'il a déjà eu 13 ans pour le faire, que le résultat (pénurie de places en crèche, désert médical, cherté de l'eau gérée par le privé, manque de logements sociaux...) n'est décidément pas suffisant, et enfin que "les limites des compétences communales" vont être désormais plus qu'étroites à cause de la métropolisation qu'il soutient entièrement. Pour rendre la ville "citoyenne, attractive, solidaire et durable", il faudra faire autre chose que de piquer deux mots sur quatre au slogan de notre liste.
Les Pantinois ne doivent pas s'y tromper : Bertrand Kern est bel et bien le candidat du PS, le candidat de Hollande et Ayrault, le candidat de l'austérité, de la soumission au patronat et à l'Europe des marchés. Cette politique n'est pas celle pour laquelle les habitants de notre ville avaient massivement voté en 2012. Il est temps d'avoir enfin un maire qui résiste à l'austérité et qui ait mieux à proposer aux Pantinois (dont 25% gagnent moins que le SMIC) que de faire de notre ville un Brooklyn bling bling inaccessible aux plus démunis.

Le 23 mars 2014, dès le 1er tour, votez à gauche pour un vrai changement, votez pour "l'humain d'abord", votez pour la liste conduite par Jean-Pierre Henry et Clara Pinault.