31 juillet 2015
Par Les invités de Mediapart
Pascal Beaudet, maire PCF-FDG d’Aubervilliers,
conseiller départemental de Seine-Saint-Denis s'insurge
contre la disparition de nombreux services publics dans sa ville. «
(...) le gouvernement poursuit la politique de baisse de la
dépense publique menée par ses prédécesseurs. Il considère les services publics
nationaux et locaux, ainsi que les droits sociaux,
comme une charge insupportable qu'il faut réduire ».
Les services
publics sont plus que jamais nécessaires. Avec la protection sociale, ils
jouent un rôle majeur d'amortisseur social dans la crise qui frappe les plus
modestes.
Des services publics forts sont indispensables à
toute alternative à l'austérité et à tout projet d'avenir. Or, le gouvernement
poursuit la politique de baisse de la dépense publique menée par ses
prédécesseurs. Il considère les services publics nationaux et locaux, ainsi que
les droits sociaux, comme une charge insupportable qu'il faut
réduire.
Pour les financer, plutôt que de s'attaquer à l'évasion
fiscale (estimée à 70 milliards d’euros par an) et aux profits exorbitants des
multinationales et des banques, plutôt que de procéder à une véritable réforme
fiscale, promise mais jamais réalisée au niveau nécessaire, il préfère procéder
à forte dose au démantèlement des services publics en les privatisant et en
rognant sans cesse sur leur qualité et leur proximité.
Alors que la population française a augmenté de plus de 4
millions d'habitants en 10 ans, nous constatons la division par deux du nombre
de bureaux de poste, la suppression de 300
tribunaux de proximité, des coupes budgétaires dangereuses dans les hôpitaux qui
se traduisent par la suppression de près de 15 % des services hospitaliers et
par la fermeture de plus de 7 % des maternités.
A cela s'ajoute la disparition de centres des impôts, la
diminution, par regroupement, de centres de Caisse Primaire d'Assurance Maladie,
la fermeture de centres de Caisse d'Allocations Familiales, la fermeture des
classes, des écoles sont supprimées, des gendarmeries et des commissariats sont
fermés.
Tout cela amplifie les difficultés de vie des français et
aggrave la situation de l'emploi avec la réduction du nombre de postes dans tous
les services publics.
Nous sommes bel et bien dans une logique d'austérité, une
sorte de capitulation devant la finance qui, en plus d’affaiblir les services
publics, accroît les inégalités de territoire.
Les services publics souffrent des restrictions
budgétaires, partout. Mais à Aubervilliers, s’ajoutent les conséquences des
inégalités de traitement.
Dans une ville de 78 000 habitants où le revenu moyen est
de 13 000 euros par an, où le niveau de chômage atteint 24,2% et où le taux de
pauvreté est de 40,8 %, la pénurie des services publicspeut faire basculer la
population dans une situation d’extrême précarité.
Avec un niveau de mortalité supérieur à la moyenne
nationale et un taux d’équipement en soins inférieur aux moyennes régionales et
métropolitaines, la Seine-Saint-Denis est le département le plus touché par les
inégalités sociales de santé. Aussi, lorsque l’offre de soins se raréfie, ce
sont les inégalités qui s’accentuent sur tout le territoire.
Le centre de radiothérapie d’Aubervilliers était l'un des
deux seuls d’Île-de-France à être équipé d’une machine de radiothérapie récente
et performante permettant le traitement de tumeurs inopérables jusqu’alors,
grâce à de nouvelles techniques de très haute précision.
Pourtant, le 30 janvier dernier, il fermait ses portes suite à la décision de
l’Agence Régionale de la Santé (ARS). Malgré les arguments exposés et malgré la
formidable bataille engagée par les personnels et les habitants et les élus
d’Aubervilliers, l’ARS est restée campée sur ses positions renforçant
l’apartheid médical qui frappe Aubervilliers et les villes avoisinantes.
Dans une lettre qui m’a été adressée le 7 juillet
dernier, le directeur général de la Caisse d'allocations familiales de
Seine-Saint-Denis annonçait la fermeture de la permanence administrative
d'Aubervilliers.
« Conformément à [la] nouvelle doctrine nationale
», l’accueil des familles se fera sur rendez-vous dans des « agences familles ».
A ce jour, seulement quatre agences familles peuvent recevoir les 300 000
allocataires de Seine-Saint-Denis.
La « doctrine nationale » promue par le directeur de la
CAF vise-t-elle à dissuader les allocataires de prétendre à leurs droits en
créant un parcours semé d’embuches ? Suppression des permanences, rendez-vous
uniquement par téléphone, déplacement à leurs frais dans un lieu en dehors de la
commune, etc.
Cette volonté dissimulée de restreindre les aides aux
plus démunis est d’autant plus incompréhensible lorsqu’on connaît le montant des
non-recours aux droits sociaux qui s’élève à plusieurs milliards d’euros : 5,7
milliards d’euros de RSA non versés, 700 millions de CMU non versés annuellement
à des assurés sans complémentaire, 2 milliards d’indemnités non attribués
mensuellement à des chômeurs éligibles à l’indemnisation, 767 millions d’euros
non distribués aux ménages éligibles aux tarifs sociaux du gaz et
d’électricité.
Si la commune d’Aubervilliers n’a pas vocation à gérer
les publics d’allocataires et d’assurés sociaux, elle se voit néanmoins
contrainte via son action sociale, de se substituer aux services de l’Etat et
aux organismes sociaux afin de venir en aide aux populations vulnérables. Une
situation pas tenable au moment où l’Etat décide de baisser les dotations de la
ville de 2,1 millions d’euros.
Avec 78 000 habitants, Aubervilliers ne compte que deux
bureaux de poste. Tandis qu'à Paris, il y a un bureau pour 12 000 habitants,
pour la commune c'est un pour 39000 ! Les classes populaires, nombreuses dans la
ville, ont besoin de La Poste, ses services bancaires étant plus accessibles en
vertu de ses missions de service public.
Pourquoi La Poste réserve-t-elle ce traitement à une
ville comme Aubervilliers ? Serait-ce parce que les usagers ne répondent pas à
l'image de la « clientèle patrimoniale » que l'enseigne veut attirer pour sa
Banque postale ? La pénurie de moyens organisée par la direction de La Poste
affecte simultanément les conditions de travail de ses agents et le service
rendu aux usagers. On est bien loin des obligations de service public universel
qui incombent à cette entreprise qui appartient à l’État.
Dans son discours prononcé le 6 mai 2012 à
Tulles le soir de sa victoire à l'élection présidentielle, le Président François
Hollande, fraichement élu, promettait aux Français que « chacune et chacun en
France, dans la République, sera traité à égalité de droit et de devoir. Aucun
enfant de la République ne sera laissé de côté, abandonné, relégué, discriminé
». Puis de citer « les défis qui nous attendent, Ils sont nombreux, ils
sont lourds » parmi eux, la « préservation de notre modèle social pour
assurer à tous le même accès aux services publics, l'égalité entre nos
territoires ».
Cela ne doit pas rester qu’au stade des promesses…
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