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lundi 3 août 2015

Il faut réhabiliter les services publics

 

Par Les invités de Mediapart



Pascal Beaudet, maire PCF-FDG d’Aubervilliers, conseiller départemental de Seine-Saint-Denis s'insurge contre la disparition de nombreux services publics dans sa ville. « (...) le gouvernement poursuit la politique de baisse de la dépense publique menée par ses prédécesseurs. Il considère les services publics nationaux et locaux, ainsi que les droits sociaux, comme une charge insupportable qu'il faut réduire ».


Les services publics sont plus que jamais nécessaires. Avec la protection sociale, ils jouent un rôle majeur d'amortisseur social dans la crise qui frappe les plus modestes.

Des services publics forts sont indispensables à toute alternative à l'austérité et à tout projet d'avenir. Or, le gouvernement poursuit la politique de baisse de la dépense publique menée par ses prédécesseurs. Il considère les services publics nationaux et locaux, ainsi que les droits sociaux, comme une charge insupportable qu'il faut réduire.

Pour les financer, plutôt que de s'attaquer à l'évasion fiscale (estimée à 70 milliards d’euros par an) et aux profits exorbitants des multinationales et des banques, plutôt que de procéder à une véritable réforme fiscale, promise mais jamais réalisée au niveau nécessaire, il préfère procéder à forte dose au démantèlement des services publics en les privatisant et en rognant sans cesse sur leur qualité et leur proximité.

Alors que la population française a augmenté de plus de 4 millions d'habitants en 10 ans, nous constatons la division par deux du nombre de bureaux de poste, la suppression de 300 tribunaux de proximité, des coupes budgétaires dangereuses dans les hôpitaux qui se traduisent par la suppression de près de 15 % des services hospitaliers et par la fermeture de plus de 7 % des maternités.

A cela s'ajoute la disparition de centres des impôts, la diminution, par regroupement, de centres de Caisse Primaire d'Assurance Maladie, la fermeture de centres de Caisse d'Allocations Familiales, la fermeture des classes, des écoles sont supprimées, des gendarmeries et des commissariats sont fermés.

Tout cela amplifie les difficultés de vie des français et aggrave la situation de l'emploi avec la réduction du nombre de postes dans tous les services publics.

Nous sommes bel et bien dans une logique d'austérité, une sorte de capitulation devant la finance qui, en plus d’affaiblir les services publics, accroît les inégalités de territoire.

Les services publics souffrent des restrictions budgétaires, partout. Mais à Aubervilliers, s’ajoutent les conséquences des inégalités de traitement.

Dans une ville de 78 000 habitants où le revenu moyen est de 13 000 euros par an, où le niveau de chômage atteint 24,2% et où le taux de pauvreté est de 40,8 %, la pénurie des services publicspeut faire basculer la population dans une situation d’extrême précarité.

Avec un niveau de mortalité supérieur à la moyenne nationale et un taux d’équipement en soins inférieur aux moyennes régionales et métropolitaines, la Seine-Saint-Denis est le département le plus touché par les inégalités sociales de santé. Aussi, lorsque l’offre de soins se raréfie, ce sont les inégalités qui s’accentuent sur tout le territoire.

Le centre de radiothérapie d’Aubervilliers était l'un des deux seuls d’Île-de-France à être équipé d’une machine de radiothérapie récente et performante permettant le traitement de tumeurs inopérables jusqu’alors, grâce à de nouvelles techniques de très haute précision.

Pourtant, le 30 janvier dernier, il fermait ses portes suite à la décision de l’Agence Régionale de la Santé (ARS). Malgré les arguments exposés et malgré la formidable bataille engagée par les personnels et les habitants et les élus d’Aubervilliers, l’ARS est restée campée sur ses positions renforçant l’apartheid médical qui frappe Aubervilliers et les villes avoisinantes.

Dans une lettre qui m’a été adressée le 7 juillet dernier, le directeur général de la Caisse d'allocations familiales de Seine-Saint-Denis annonçait la fermeture de la permanence administrative d'Aubervilliers.

« Conformément à [la] nouvelle doctrine nationale », l’accueil des familles se fera sur rendez-vous dans des « agences familles ». A ce jour, seulement quatre agences familles peuvent recevoir les 300 000 allocataires de Seine-Saint-Denis.

La « doctrine nationale » promue par le directeur de la CAF vise-t-elle à dissuader les allocataires de prétendre à leurs droits en créant un parcours semé d’embuches ? Suppression des permanences, rendez-vous uniquement par téléphone, déplacement à leurs frais dans un lieu en dehors de la commune, etc.

Cette volonté dissimulée de restreindre les aides aux plus démunis est d’autant plus incompréhensible lorsqu’on connaît le montant des non-recours aux droits sociaux qui s’élève à plusieurs milliards d’euros : 5,7 milliards d’euros de RSA non versés, 700 millions de CMU non versés annuellement à des assurés sans complémentaire, 2 milliards d’indemnités non attribués mensuellement à des chômeurs éligibles à l’indemnisation, 767 millions d’euros non distribués aux ménages éligibles aux tarifs sociaux du gaz et d’électricité.

Si la commune d’Aubervilliers n’a pas vocation à gérer les publics d’allocataires et d’assurés sociaux, elle se voit néanmoins contrainte via son action sociale, de se substituer aux services de l’Etat et aux organismes sociaux afin de venir en aide aux populations vulnérables. Une situation pas tenable au moment où l’Etat décide de baisser les dotations de la ville de 2,1 millions d’euros.

Avec 78 000 habitants, Aubervilliers ne compte que deux bureaux de poste. Tandis qu'à Paris, il y a un bureau pour 12 000 habitants, pour la commune c'est un pour 39000 ! Les classes populaires, nombreuses dans la ville, ont besoin de La Poste, ses services bancaires étant plus accessibles en vertu de ses missions de service public.

Pourquoi La Poste réserve-t-elle ce traitement à une ville comme Aubervilliers ? Serait-ce parce que les usagers ne répondent pas à l'image de la « clientèle patrimoniale » que l'enseigne veut attirer pour sa Banque postale ? La pénurie de moyens organisée par la direction de La Poste affecte simultanément les conditions de travail de ses agents et le service rendu aux usagers. On est bien loin des obligations de service public universel qui incombent à cette entreprise qui appartient à l’État.

Dans son discours prononcé le 6 mai 2012 à Tulles le soir de sa victoire à l'élection présidentielle, le Président François Hollande, fraichement élu, promettait aux Français que « chacune et chacun en France, dans la République, sera traité à égalité de droit et de devoir. Aucun enfant de la République ne sera laissé de côté, abandonné, relégué, discriminé ». Puis de citer « les défis qui nous attendent, Ils sont nombreux, ils sont lourds » parmi eux, la « préservation de notre modèle social pour assurer à tous le même accès aux services publics, l'égalité entre nos territoires ».

Cela ne doit pas rester qu’au stade des promesses…

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