PÉTITION
Pour une protection internationale
du peuple Palestinien
Assez de massacres ! Assez de violences et de haines !
Nous appelons le gouvernement français et les autorités européennes à prendre des initiatives à la hauteur du drame qui se noue et pour obtenir un cessez le feu immédiat. Que les armes se taisent et que l’on prenne le chemin du dialogue, de la diplomatie et de la politique ! La base de celui-ci est le droit international, la fin du blocus de Gaza, l’arrêt de la colonisation, la fin de l’occupation et la libération des prisonniers politiques palestiniens. C’est la condition de la paix et de la sécurité pour les peuples israéliens et palestiniens.
Ensemble, nous demandons que le peuple palestinien soit placé sous protection internationale et que la France et l’Union Européenne proposent d’urgence une aide humanitaire, médicale et sanitaire pour les victimes en commençant par les enfants.
Je demande que le peuple palestinien soit placé sous protection internationale. Je signe la pétition. NOM PRÉNOM | SIGNATURE |
________________________________________
Appel du Collectif National pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens
et Israéliens
Samedi 2 août à 15 heures de Denfert-Rochereau aux Invalides
Halte à l’agression israélienne
Levée du blocus, illégal et criminel, de Gaza
Libération de tous les prisonniers
Sanctions immédiates contre Israël jusqu’au respect du droit international
Soutien à la résistance du peuple palestinien
Oui à la liberté d’expression, non à la criminalisation de la solidarité
Agir Contre le Colonialisme Aujourd’hui (ACCA) - Alliance for Freedom and Dignity (AFD) - Alternative Libertaire (AL) - Américains contre la guerre (AAW) - Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF) - Association des Tunisiens en France (ATF) - Association France Palestine Solidarité (AFPS) - Association Nationale des Elus Communistes et Républicains (ANECR) - Association pour la Taxation des Transactions financières et pour l’Action Citoyenne (ATTAC) - Association pour les Jumelages entre les camps de réfugiés Palestiniens et les villes Françaises (AJPF) - Association Républicaine des Anciens Combattants (ARAC) - Association Universitaire pour le Respect du Droit International en Palestine (AURDIP) - Campagne Civile Internationale pour la Protection du Peuple Palestinien (CCIPPP) - Cedetim / IPAM - Confédération Générale du Travail (CGT) - Collectif des Musulmans de France (CMF) - Collectif Faty Koumba - Collectif inter-universitaire pour la coopération avec les Universités Palestiniennes (CICUP) - Collectif Judéo-Arabe et Citoyen pour la Palestine (CJACP) - Collectif Paix Palestine Israël (CPPI Saint-Denis) - Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient (CVPR PO) - Comité Justice et Paix en Palestine et au Proche-Orient du 5e arrt (CJPP5) - Droit-Solidarité – Ensemble - Europe Ecologie les Verts (EELV) – Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR) - Fédération Syndicale Unitaire (FSU) - Gauche Unitaire (GU) - Génération Palestine - La Courneuve-Palestine - le Mouvement de la Paix – les Alternatifs - les Femmes en noir - Ligue des Droits de l’Homme (LDH) - Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté, section française de la Women’s International League for Peace and Freedom (WILPF) (LIFPL) - Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP) - Mouvement Jeunes Communistes de France (MJCF) - Mouvement Politique d’Emancipation populaire (M’PEP) - Organisation de Femmes Egalité – Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) - Parti Communiste des Ouvriers de France (PCOF) - Parti Communiste Français (PCF) - Parti de Gauche (PG) - Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM) - Une Autre Voix Juive (UAVJ) - Union des Travailleurs Immigrés Tunisiens (UTIT) - Union Juive Française pour la Paix (UJFP) - Union Nationale des Étudiants de France (UNEF) - Union syndicale Solidaires
Et les membres du collectif ayant appelés aux 2 manifestations : Parti des Indigènes de la République (PIR), le Mouvement des Jeunes Palestiniens (PYM), ...
Samedi 2 août à 15 heures de Denfert-Rochereau aux Invalides
Halte à l’agression israélienne
Levée du blocus, illégal et criminel, de Gaza
Libération de tous les prisonniers
Sanctions immédiates contre Israël jusqu’au respect du droit international
Soutien à la résistance du peuple palestinien
Oui à la liberté d’expression, non à la criminalisation de la solidarité
Agir Contre le Colonialisme Aujourd’hui (ACCA) - Alliance for Freedom and Dignity (AFD) - Alternative Libertaire (AL) - Américains contre la guerre (AAW) - Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF) - Association des Tunisiens en France (ATF) - Association France Palestine Solidarité (AFPS) - Association Nationale des Elus Communistes et Républicains (ANECR) - Association pour la Taxation des Transactions financières et pour l’Action Citoyenne (ATTAC) - Association pour les Jumelages entre les camps de réfugiés Palestiniens et les villes Françaises (AJPF) - Association Républicaine des Anciens Combattants (ARAC) - Association Universitaire pour le Respect du Droit International en Palestine (AURDIP) - Campagne Civile Internationale pour la Protection du Peuple Palestinien (CCIPPP) - Cedetim / IPAM - Confédération Générale du Travail (CGT) - Collectif des Musulmans de France (CMF) - Collectif Faty Koumba - Collectif inter-universitaire pour la coopération avec les Universités Palestiniennes (CICUP) - Collectif Judéo-Arabe et Citoyen pour la Palestine (CJACP) - Collectif Paix Palestine Israël (CPPI Saint-Denis) - Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient (CVPR PO) - Comité Justice et Paix en Palestine et au Proche-Orient du 5e arrt (CJPP5) - Droit-Solidarité – Ensemble - Europe Ecologie les Verts (EELV) – Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR) - Fédération Syndicale Unitaire (FSU) - Gauche Unitaire (GU) - Génération Palestine - La Courneuve-Palestine - le Mouvement de la Paix – les Alternatifs - les Femmes en noir - Ligue des Droits de l’Homme (LDH) - Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté, section française de la Women’s International League for Peace and Freedom (WILPF) (LIFPL) - Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP) - Mouvement Jeunes Communistes de France (MJCF) - Mouvement Politique d’Emancipation populaire (M’PEP) - Organisation de Femmes Egalité – Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) - Parti Communiste des Ouvriers de France (PCOF) - Parti Communiste Français (PCF) - Parti de Gauche (PG) - Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM) - Une Autre Voix Juive (UAVJ) - Union des Travailleurs Immigrés Tunisiens (UTIT) - Union Juive Française pour la Paix (UJFP) - Union Nationale des Étudiants de France (UNEF) - Union syndicale Solidaires
Et les membres du collectif ayant appelés aux 2 manifestations : Parti des Indigènes de la République (PIR), le Mouvement des Jeunes Palestiniens (PYM), ...
et
24 juillet 2014
Le 9 juillet, alors que les frappes israéliennes sur la bande de Gaza
avaient déjà causé la mort de 62 Palestiniens, principalement des
civils, François Hollande publiait un communiqué affirmant qu’il
appartenait «au gouvernement israélien de prendre toutes les mesures pour protéger sa population». Chacun savait, depuis les effusions de ce qu’il avait lui-même appelé son «chant d’amour pour Israël et ses dirigeants»,
lors de son dîner avec Benyamin Nétan-yahou en novembre, de quel côté le
président de la République penchait dans le conflit israélo-palestinien
: non seulement il avait choisi son camp, mais il l’avait fait en
prenant parti pour les éléments les plus intransigeants et les plus
belliqueux au sein de la classe politique israélienne. Pourtant,
beaucoup furent surpris en voyant le chef de l’Etat français délivrer un
chèque en blanc au Premier ministre israélien au moment même où ce
dernier annonçait une opération militaire d’envergure pour «éradiquer le Hamas»,
ce qui laissait peu de doute sur ses intentions et les moyens déployés
pour y parvenir. C’était là, assurément, une profonde rupture, engagée
sous Nicolas Sarkozy, par rapport à ce qu’avait été, au moins depuis le
début de la Ve République, la position traditionnellement équilibrée de la France.
Le 10 juillet, tandis que 23 nouvelles victimes palestiniennes étaient venues s’ajouter au décompte macabre, Laurent Fabius et Bernard Cazeneuve publiaient une tribune dans le New York Times intitulée «La France n’est pas une nation antisémite» dans laquelle ils affirmaient que «le gouvernement français se tient fermement aux côtés des juifs de son pays». Cette déclaration insolite, des ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur, faite dans un quotidien étranger alors que les frappes israéliennes redoublaient sur les populations civiles de Gaza et bien qu’aucun acte antisémite n’ait été perpétré sur le territoire français, signifiait une communautarisation de la position officielle du gouvernement, puisqu’il s’agissait d’apporter un soutien non plus seulement à l’Etat hébreu mais à la communauté juive de France, comme si cette dernière avait vocation à se regrouper tout entière derrière la politique israélienne et comme si toute mobilisation contre la campagne militaire dans les Territoires palestiniens ne pouvait procéder que de l’antisémitisme. Certes, cette communautarisation politique n’est pas nouvelle, mais elle avait pris, au cours des années récentes, une forme négative, s’exprimant de manière obsessionnelle à l’encontre des populations musulmanes et plus récemment roms. C’était, désormais, de façon ouvertement positive que le communautarisme du gouvernement se manifestait.
Cette double ligne - pro-israélienne et communautariste - a été développée avec constance les jours suivants par tous les membres du gouvernement qui se sont exprimés sur la crise actuelle. Le 13 juillet, tandis que l’on dénombrait 168 morts parmi les Palestiniens et toujours aucun décès parmi les Israéliens, Jean-Yves Le Drian déclarait sur Europe 1 : «Nous condamnons les tirs de roquette, mais demandons à Israël de faire preuve de retenue dans sa riposte.» Condamnation de l’action inefficace des uns, simple demande de modération de l’intervention meurtrière des autres : le ministre de la Défense réaffirmait la nouvelle ligne politique de la France. Le même jour, à la suite d’incidents survenus en marge de la manifestation à l’appel du Collectif national pour une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens, Manuel Valls affirmait que la France «ne tolérera pas que l’on essaie par la violence des mots ou des actes d’importer sur son sol le conflit israélo-palestinien», réitérant deux jours plus tard que l’antisémitisme «se répand dans nos quartiers populaires, auprès d’une jeunesse sans repères, sans conscience de l’Histoire, qui se cache derrière un antisionisme de façade». Il extrapolait ainsi les violences commises par quelques dizaines d’individus, phénomène dont on sait la fréquence lors de ce type de rassemblement quel qu’en soit le motif, et enfermait, à son tour, l’opposition à l’opération militaire israélienne et à la politique du gouvernement français dans une lecture communautariste. En écho au président du Conseil représentatif des institutions juives de France, qui parlait d’un «climat antisémite jamais vu» et demandait «l’interdiction des manifestations», le gouvernement prenait peu après la décision d’en interdire plusieurs, dont celle devant se dérouler dans la capitale. Pompier pyromane, il produisit ce qu’il avait annoncé et, tandis qu’ailleurs sur le territoire français et partout dans le monde, des manifestations se déroulaient dans le calme, celle de Paris fut le théâtre de nouveaux heurts.
Après deux semaines de bombardements de la bande de Gaza qui ont causé la mort de 556 Palestiniens, pour l’essentiel des civils, dont beaucoup de femmes et d’enfants, et le déplacement de dizaines de milliers d’habitants vivant dans une extrême précarité, le gouvernement français n’a pas eu un mot de compassion à l’égard des victimes et n’a proposé aucune assistance. Alors que les attaques israéliennes se multiplient sur des mosquées, des hôpitaux, des terrasses de café, des plages où jouent de jeunes garçons, en utilisant des bombes à fléchettes qui projettent des dards métalliques à 300 mètres à la ronde, il n’a pas eu un mot pour condamner les crimes de guerre commis par l’armée israélienne et a continué de défendre la légitimité de l’opération militaire. De ce grave manquement au droit international humanitaire qu’ailleurs, ils invoquent pourtant en toute occasion, les dirigeants actuels devront un jour rendre compte. Que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Allemagne soient sur la même ligne politique ne diminue en rien la faute morale du gouvernement français. Dès lors, celles et ceux qui, au nom de la désobéissance civile, protestent contre le massacre des populations palestiniennes défendent des principes universels : droit à la vie, droit à la sécurité, droit à la dignité, droit à la justice.
Le gouvernement tente d’empêcher ces protestations et de faire taire les voix qui s’élèvent face à l’indifférence des grandes puissances. Il le fait en les censurant et en les disqualifiant. Mais en communautarisant le conflit, c’est lui qui l’a importé sur le sol français. En assimilant la critique de l’intervention israélienne à de l’antisémitisme et en faisant de débordements regrettables un instrument pour discréditer les défenseurs d’une paix juste et durable, il prend une lourde responsabilité : celle de diviser la nation. Faire croire que tous les juifs de France sont solidaires de la politique de Nétan-yahou et de ses alliés est une insulte à leur égard et à la diversité de leurs opinions, de même que laisser penser que toutes celles et ceux qui ne peuvent rester sans réagir devant la mise à mort de centaines d’hommes, de femmes et d’enfants déjà réduits à des conditions intolérables par des années de blocus dans la bande de Gaza sont des antisémites est une insulte à ceux qui refusent l’oppression et la destruction d’une partie de la communauté humaine - comme d’autres les ont refusées en d’autres temps.
et Le 10 juillet, tandis que 23 nouvelles victimes palestiniennes étaient venues s’ajouter au décompte macabre, Laurent Fabius et Bernard Cazeneuve publiaient une tribune dans le New York Times intitulée «La France n’est pas une nation antisémite» dans laquelle ils affirmaient que «le gouvernement français se tient fermement aux côtés des juifs de son pays». Cette déclaration insolite, des ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur, faite dans un quotidien étranger alors que les frappes israéliennes redoublaient sur les populations civiles de Gaza et bien qu’aucun acte antisémite n’ait été perpétré sur le territoire français, signifiait une communautarisation de la position officielle du gouvernement, puisqu’il s’agissait d’apporter un soutien non plus seulement à l’Etat hébreu mais à la communauté juive de France, comme si cette dernière avait vocation à se regrouper tout entière derrière la politique israélienne et comme si toute mobilisation contre la campagne militaire dans les Territoires palestiniens ne pouvait procéder que de l’antisémitisme. Certes, cette communautarisation politique n’est pas nouvelle, mais elle avait pris, au cours des années récentes, une forme négative, s’exprimant de manière obsessionnelle à l’encontre des populations musulmanes et plus récemment roms. C’était, désormais, de façon ouvertement positive que le communautarisme du gouvernement se manifestait.
Cette double ligne - pro-israélienne et communautariste - a été développée avec constance les jours suivants par tous les membres du gouvernement qui se sont exprimés sur la crise actuelle. Le 13 juillet, tandis que l’on dénombrait 168 morts parmi les Palestiniens et toujours aucun décès parmi les Israéliens, Jean-Yves Le Drian déclarait sur Europe 1 : «Nous condamnons les tirs de roquette, mais demandons à Israël de faire preuve de retenue dans sa riposte.» Condamnation de l’action inefficace des uns, simple demande de modération de l’intervention meurtrière des autres : le ministre de la Défense réaffirmait la nouvelle ligne politique de la France. Le même jour, à la suite d’incidents survenus en marge de la manifestation à l’appel du Collectif national pour une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens, Manuel Valls affirmait que la France «ne tolérera pas que l’on essaie par la violence des mots ou des actes d’importer sur son sol le conflit israélo-palestinien», réitérant deux jours plus tard que l’antisémitisme «se répand dans nos quartiers populaires, auprès d’une jeunesse sans repères, sans conscience de l’Histoire, qui se cache derrière un antisionisme de façade». Il extrapolait ainsi les violences commises par quelques dizaines d’individus, phénomène dont on sait la fréquence lors de ce type de rassemblement quel qu’en soit le motif, et enfermait, à son tour, l’opposition à l’opération militaire israélienne et à la politique du gouvernement français dans une lecture communautariste. En écho au président du Conseil représentatif des institutions juives de France, qui parlait d’un «climat antisémite jamais vu» et demandait «l’interdiction des manifestations», le gouvernement prenait peu après la décision d’en interdire plusieurs, dont celle devant se dérouler dans la capitale. Pompier pyromane, il produisit ce qu’il avait annoncé et, tandis qu’ailleurs sur le territoire français et partout dans le monde, des manifestations se déroulaient dans le calme, celle de Paris fut le théâtre de nouveaux heurts.
Après deux semaines de bombardements de la bande de Gaza qui ont causé la mort de 556 Palestiniens, pour l’essentiel des civils, dont beaucoup de femmes et d’enfants, et le déplacement de dizaines de milliers d’habitants vivant dans une extrême précarité, le gouvernement français n’a pas eu un mot de compassion à l’égard des victimes et n’a proposé aucune assistance. Alors que les attaques israéliennes se multiplient sur des mosquées, des hôpitaux, des terrasses de café, des plages où jouent de jeunes garçons, en utilisant des bombes à fléchettes qui projettent des dards métalliques à 300 mètres à la ronde, il n’a pas eu un mot pour condamner les crimes de guerre commis par l’armée israélienne et a continué de défendre la légitimité de l’opération militaire. De ce grave manquement au droit international humanitaire qu’ailleurs, ils invoquent pourtant en toute occasion, les dirigeants actuels devront un jour rendre compte. Que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Allemagne soient sur la même ligne politique ne diminue en rien la faute morale du gouvernement français. Dès lors, celles et ceux qui, au nom de la désobéissance civile, protestent contre le massacre des populations palestiniennes défendent des principes universels : droit à la vie, droit à la sécurité, droit à la dignité, droit à la justice.
Le gouvernement tente d’empêcher ces protestations et de faire taire les voix qui s’élèvent face à l’indifférence des grandes puissances. Il le fait en les censurant et en les disqualifiant. Mais en communautarisant le conflit, c’est lui qui l’a importé sur le sol français. En assimilant la critique de l’intervention israélienne à de l’antisémitisme et en faisant de débordements regrettables un instrument pour discréditer les défenseurs d’une paix juste et durable, il prend une lourde responsabilité : celle de diviser la nation. Faire croire que tous les juifs de France sont solidaires de la politique de Nétan-yahou et de ses alliés est une insulte à leur égard et à la diversité de leurs opinions, de même que laisser penser que toutes celles et ceux qui ne peuvent rester sans réagir devant la mise à mort de centaines d’hommes, de femmes et d’enfants déjà réduits à des conditions intolérables par des années de blocus dans la bande de Gaza sont des antisémites est une insulte à ceux qui refusent l’oppression et la destruction d’une partie de la communauté humaine - comme d’autres les ont refusées en d’autres temps.
Palestine : Monsieur le Président, vous égarez la France
23 juillet 2014 | Par Edwy PlenelDe l’alignement préalable sur la droite extrême israélienne à l’interdiction de manifestations de solidarité avec le peuple palestinien, sans compter l’assimilation de cette solidarité à de l’antisémitisme maquillé en antisionisme, François Hollande s’est engagé dans une impasse. Politiquement, il n’y gagnera rien, sauf le déshonneur. Mais, à coup sûr, il y perd la France. Parti pris en forme de lettre ouverte.
Monsieur le Président, cher François Hollande, je n’aurais jamais pensé que vous puissiez rester, un jour, dans l’histoire du socialisme français, comme un nouveau Guy Mollet. Et, à vrai dire, je n’arrive pas à m’y résoudre tant je vous croyais averti de ce danger d’une rechute socialiste dans l’aveuglement national et l’alignement international, cette prétention de civilisations qui se croient supérieures au point de s’en servir d’alibi pour justifier les injustices qu’elles commettent.
Vous connaissez bien ce spectre molletiste qui hante toujours votre famille politique. Celui d’un militant dévoué à son parti, la SFIO, d’un dirigeant aux convictions démocratiques et sociales indéniables, qui finit par perdre politiquement son crédit et moralement son âme faute d’avoir compris le nouveau monde qui naissait sous ses yeux. C’était, dans les années 1950 du siècle passé, celui de l’émergence du tiers-monde, du sursaut de peuples asservis secouant les jougs colonisateurs et impériaux, bref le temps de leurs libérations et des indépendances nationales.
Guy Mollet, et la majorité de gauche qui le soutenait, lui opposèrent, vous le savez, un déni de réalité. Ils s’accrochèrent à un monde d’hier, déjà perdu, ajoutant du malheur par leur entêtement, aggravant l’injustice par leur aveuglement. C’est ainsi qu’ils prétendirent que l’Algérie devait à tout prix rester la France, jusqu’à engager le contingent dans une sale guerre, jusqu’à autoriser l’usage de la torture, jusqu’à violenter les libertés et museler les oppositions. Et c’est avec la même mentalité coloniale qu’ils engagèrent notre pays dans une désastreuse aventure guerrière à Suez contre l'Égypte souveraine, aux côtés du jeune État d’Israël.
Mollet n’était ni un imbécile ni un incompétent. Il était simplement aveugle au monde et aux autres. Des autres qui, déjà, prenaient figure d’Arabes et de musulmans dans la diversité d’origines, la pluralité de cultures et la plasticité de croyance que ces mots recouvrent. Lesquels s’invitaient de nouveau au banquet de l’Histoire, s’assumant comme tels, revendiquant leurs fiertés, désirant leurs libertés. Et qui, selon le même réflexe de dignité et de fraternité, ne peuvent admettre qu’aujourd’hui encore, l’injustice européenne faite aux Juifs, ce crime contre l’humanité auquel ils n’eurent aucune part, se redouble d’une injustice durable faite à leurs frères palestiniens, par le déni de leur droit à vivre librement dans un État normal, aux frontières sûres et reconnues.
Vous connaissez si bien la suite, désastreuse pour votre famille politique et, au-delà d’elle, pour toute la gauche de gouvernement, que vous l’aviez diagnostiquée vous-même, en 2006, dans Devoirs de vérité (Stock). « Une faute, disiez-vous, qui a été chèrement payée : vingt-cinq ans d’opposition, ce n’est pas rien ! » Sans compter, auriez-vous pu ajouter, la renaissance à cette occasion de l’extrême droite française éclipsée depuis la chute du nazisme et l’avènement d’institutions d’exception, celles d’un pouvoir personnel, celui du césarisme présidentiel. Vingt-cinq ans de « pénitence » , insistiez-vous, parce que la SFIO, l’ancêtre de votre Parti socialiste d’aujourd’hui, « a perdu son âme dans la guerre d’Algérie » .
Vous en étiez si conscient que vous ajoutiez : « Nous avons encore des excuses à présenter au peuple algérien. Et nous devons faire en sorte que ce qui a été ne se reproduise plus. » « Nous ne sommes jamais sûrs d’avoir raison, de prendre la bonne direction, de choisir la juste orientation , écriviez-vous encore. Mais nous devons, à chaque moment majeur, nous poser ces questions simples : agissons-nous conformément à nos valeurs ? Sommes-nous sûrs de ne pas altérer nos principes ? Restons-nous fidèles à ce que nous sommes ? Ces questions doivent être posées à tout moment, au risque sinon d’oublier la leçon. »
Eh bien, ces questions, je viens vous les poser parce que, hélas, vous êtes en train d’oublier la leçon et, à votre tour, de devenir aveugle au monde et aux autres. Je vous les pose au vu des fautes stupéfiantes que vous avez accumulées face à cet énième épisode guerrier provoqué par l’entêtement du pouvoir israélien à ne pas reconnaître le fait palestinien. J’en dénombre au moins sept, et ce n’est évidemment pas un jeu, fût-il des sept erreurs, tant elles entraînent la France dans la spirale d’une guerre des mondes, des civilisations et des identités, une guerre sans issue, sinon celle de la mort et de la haine, de la désolation et de l’injustice, de l’inhumanité en somme, ce sombre chemin où l’humanité en vient à se détruire elle-même.
Les voici donc ces sept fautes où, en même temps qu’à l’extérieur, la guerre ruine la diplomatie, la politique intérieure en vient à se réduire à la police. Une faute politique doublée d’une faute intellectuelle
1. Vous avez d’abord commis une faute politique sidérante. Rompant avec la position traditionnellement équilibrée de la France face au conflit israélo-palestinien, vous avez aligné notre pays sur la ligne d’offensive à outrance et de refus des compromis de la droite israélienne, laquelle gouverne avec une extrême droite explicitement raciste, sans morale ni principe, sinon la stigmatisation des Palestiniens et la haine des Arabes.
Votre position, celle de votre premier communiqué du 9 juillet, invoque les attaques du Hamas pour justifier une riposte israélienne disproportionnée dont la population civile de Gaza allait, une fois de plus, faire les frais. Purement réactive et en grande part improvisée ( lire ici l’article de Lenaïg Bredoux ), elle fait fi de toute complexité, notamment celle du duo infernal que jouent Likoud et Hamas, l’un et l’autre se légitimant dans la ruine des efforts de paix ( lire là l’article de François Bonnet ).
Surtout, elle est inquiétante pour l’avenir, face à une situation internationale de plus en plus incertaine et confuse. À la lettre, ce feu vert donné à un État dont la force militaire est sans commune mesure avec celle de son adversaire revient à légitimer, rétroactivement, la sur-réaction américaine après les attentats du 11-Septembre, son Patriot Act liberticide et sa guerre d’invasion contre l’Irak. Bref, votre position tourne le dos à ce que la France officielle, sous la présidence de Jacques Chirac, avait su construire et affirmer, dans l’autonomie de sa diplomatie, face à l’aveuglement nord-américain.
Depuis, vous avez tenté de modérer cet alignement néoconservateur par des communiqués invitant à l’apaisement, à la retenue de la force israélienne et au soulagement des souffrances palestiniennes. Ce faisant, vous ajoutez l’hypocrisie à l’incohérence. Car c’est une fausse compassion que celle fondée sur une fausse symétrie entre les belligérants. Israël et Palestine ne sont pas ici à égalité. Non seulement en rapport de force militaire mais selon le droit international.
En violation de résolutions des Nations unies, Israël maintient depuis 1967 une situation d’occupation, de domination et de colonisation de territoires conquis lors de la guerre des Six Jours, et jamais rendus à la souveraineté pleine et entière d’un État palestinien en devenir. C’est cette situation d’injustice prolongée qui provoque en retour des refus, résistances et révoltes, et ceci d’autant plus que le pouvoir palestinien issu du Fatah en Cisjordanie n’a pas réussi à faire plier l’intransigeance israélienne, laquelle, du coup, légitime les actions guerrières de son rival, le Hamas, depuis qu’il s’est imposé à Gaza.
Historiquement, la différence entre progressistes et conservateurs, c’est que les premiers cherchent à réduire l’injustice qui est à l’origine d’un désordre tandis que les seconds sont résolus à l’injustice pour faire cesser le désordre. Hélas, Monsieur le Président, vous avez spontanément choisi le second camp, égarant ainsi votre propre famille politique sur le terrain de ses adversaires.
2. Vous avez ensuite commis une faute intellectuelle en confondant sciemment antisémitisme et antisionisme. Ce serait s’aveugler de nier qu’en France, la cause palestinienne a ses égarés, antisémites en effet, tout comme la cause israélienne y a ses extrémistes, professant un racisme anti-arabe ou antimusulman. Mais assimiler l’ensemble des manifestations de solidarité avec la Palestine à une résurgence de l’antisémitisme, c’est se faire le relais docile de la propagande d’État israélienne.
Mouvement nationaliste juif, le sionisme a atteint son but en 1948, avec l’accord des Nations unies, URSS comprise, sous le choc du génocide nazi dont les Juifs européens furent les victimes. Accepter cette légitimité historique de l’État d’Israël, comme a fini par le faire sous l’égide de Yasser Arafat le mouvement national palestinien, n’entraîne pas que la politique de cet État soit hors de la critique et de la contestation. Être antisioniste, en ce sens, c’est refuser la guerre sans fin qu’implique l’affirmation au Proche-Orient d’un État exclusivement juif, non seulement fermé à toute autre composante mais de plus construit sur l’expulsion des Palestiniens de leur terre.
Confondre antisionisme et antisémitisme, c’est installer un interdit politique au service d’une oppression. C’est instrumentaliser le génocide dont l’Europe fut coupable envers les Juifs au service de discriminations envers les Palestiniens dont, dès lors, nous devenons complices. C’est, de plus, enfermer les Juifs de France dans un soutien obligé à la politique d’un État étranger, quels que soient ses actes, selon la même logique suiviste et binaire qui obligeait les communistes de France à soutenir l’Union soviétique, leur autre patrie, quels que soient ses crimes. Alors qu’évidemment, on peut être juif et antisioniste, juif et résolument diasporique plutôt qu’aveuglément nationaliste, tout comme il y a des citoyens israéliens, hélas trop minoritaires, opposés à la colonisation et solidaires des Palestiniens.
Brandir cet argument comme l’a fait votre premier ministre aux cérémonies commémoratives de la rafle du Vél’ d’Hiv’, symbole de la collaboration de l’État français au génocide commis par les nazis, est aussi indigne que ridicule. Protester contre les violations répétées du droit international par l’État d’Israël, ce serait donc préparer la voie au crime contre l’humanité ! Exiger que justice soit enfin rendue au peuple palestinien, pour qu’il puisse vivre, habiter, travailler, circuler, etc., normalement, en paix et en sécurité, ce serait en appeler de nouveau au massacre, ici même ! Une atteinte sécuritaire aux libertés fondamentales
Que ce propos soit officiellement tenu, alors même que les seuls massacres que nous avons sous les yeux sont ceux qui frappent les civils de Gaza, montre combien cette équivalence entre antisémitisme et antisionisme est brandie pour fabriquer de l’indifférence. Pour nous rendre aveugles et sourds. « L’indifférence, la pire des attitudes » , disait Stéphane Hessel dans Indignez-vous ! , ce livre qui lui a valu tant de mépris des indifférents de tous bords, notamment parce qu’il y affirmait qu’aujourd’hui, sa « principale indignation concerne la Palestine, la bande de Gaza, la Cisjordanie ».
Avec Edgar Morin, autre victime de cabales calomnieuses pour sa juste critique de l’aveuglement israélien, Stéphane Hessel incarne cette gauche qui ne cède rien de ses principes et de ses valeurs, qui n’hésite pas à penser contre elle-même et contre les siens et qui, surtout, refuse d’être prise au piège de l’assignation obligée à une origine ou à une appartenance. Cette gauche libre, Monsieur le Président, vous l’aviez conviée à marcher à vos côtés, à vous soutenir et à dialoguer avec vous, pour réussir votre élection de 2012. Maintenant, hélas, vous lui tournez le dos, désertant le chemin d’espérance tracé par Hessel et Morin et, de ce fait, égarant ceux qui vous ont fait confiance.
3. Vous avez aussi commis une faute démocratique en portant atteinte à une liberté fondamentale, celle de manifester. En démocratie, et ce fut une longue lutte pour l’obtenir, s’exprimer par sa plume, se réunir dans une salle ou défiler dans les rues pour défendre ses opinions est un droit fondamental. Un droit qui ne suppose pas d’autorisation. Un droit qui n’est pas conditionné au bon vouloir de l’État et de sa police. Un droit dont les abus éventuels sont sanctionnés a posteriori , en aucun cas présumés a priori . Un droit qui, évidemment, vaut pour les opinions, partis et colères qui nous déplaisent ou nous dérangent.
L’histoire des manifestations de rue est encombrée de désordres et de débordements, de violences où se disent des souffrances délaissées et des colères humiliées, des ressentiments parfois amers, dans la contestation d’un monopole étatique de la seule violence légitime. Il y en eut d’ouvrières, de paysannes, d’étudiantes… Il y en eut, ces temps derniers, dans la foulée des manifestations bretonnes des Bonnets rouges, écologistes contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, conservatrices contre le mariage pour tous. Il y eut même une manifestation parisienne aux banderoles et slogans racistes, homophobes, discriminatoires, celle du collectif « Jour de colère » en janvier dernier ( lire ici notre reportage ).
S’il existe une spécialité policière dite du maintien de l’ordre, c’est pour nous apprendre à vivre avec cette tension sociale qui, parfois, déborde et où s’expriment soudain, dans la confusion et la violence, ceux qui se sentent d’ordinaire sans voix, oubliés, méprisés ou ignorés – et qui ne sont pas forcément aimables ou honorables. Or voici qu’avec votre premier ministre, vous avez décidé, en visant explicitement la jeunesse des quartiers populaires, qu’un seul sujet justifiait l’interdiction de manifester : la solidarité avec la Palestine, misérablement réduite par la propagande gouvernementale à une libération de l’antisémitisme.
Cette décision sans précédent, sinon l’atteinte au droit de réunion portée fin 2013 par Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, toujours au seul prétexte de l’antisémitisme ( lire ici notre position à l’époque ), engage votre pouvoir sur le chemin d’un État d’exception, où la sécurité se dresse contre la liberté. Actuellement en discussion au Parlement, l’énième loi antiterroriste va dans la même direction ( lire là l’article de Louise Fessard ), en brandissant toujours le même épouvantail pour réduire nos droits fondamentaux : celui d’une menace terroriste dont l’évidente réalité est subrepticement étendue, de façon indistincte, aux idées exprimées et aux engagements choisis par nos compatriotes musulmans, dans leur diversité et leur pluralité, d’origine, de culture ou de religion.
Accepter la guerre des civilisations à l’extérieur, c’est finir par importer la guerre à l’intérieur. C’est en venir à criminaliser des opinions minoritaires, dissidentes ou dérangeantes. Et c’est ce choix irresponsable qu’a d’emblée fait celui que vous avez, depuis, choisi comme premier ministre, en désignant à la vindicte publique un « ennemi intérieur » , une cinquième colonne en quelque sorte peu ou prou identifiée à l’islam. Et voici que hélas, à votre tour, loin d’apaiser la tension, vous vous égarez en cédant à cette facilité sécuritaire, de courte vue et de peu d’effet.
4. Vous avez également commis une faute républicaine en donnant une dimension religieuse au débat français sur le conflit israélo-palestinien. C’est ainsi qu’après l’avoir réduit à des « querelles trop loin d’ici pour être importées » , vous avez symboliquement limité votre geste d’apaisement à une rencontre avec les représentants des cultes. Après avoir réduit la diplomatie à la guerre et la politique à la police, c’était au tour de la confrontation des idées d’être réduite, par vous-même, à un conflit des religions. Au risque de l’exacerber.
Là où des questions de principe sont en jeu, de justice et de droit, vous faites semblant de ne voir qu’expression d’appartenances et de croyances. La vérité, c’est que vous prolongez l’erreur tragique faite par la gauche de gouvernement depuis que les classes populaires issues de notre passé colonial font valoir leurs droits à l’égalité. Il y a trente ans, la « Marche pour l’égalité et contre le racisme » fut rabattue en « Marche des Beurs », réduite à l’origine supposée des marcheurs, tout comme les grèves des ouvriers de l’automobile furent qualifiées d’islamistes parce qu’ils demandaient, entre autres revendications sociales, le simple droit d’assumer leur religion en faisant leurs prières.
Cette façon d’essentialiser l’autre, en l’espèce le musulman, en le réduisant à une identité religieuse indistincte désignée comme potentiellement étrangère, voire menaçante, revient à refuser de l’admettre comme tel. Comme un citoyen à part entière, vraiment à égalité c’est-à-dire à la fois semblable et différent. Ayant les mêmes droits et, parmi ceux-ci, celui de faire valoir sa différence. De demander qu’on l’admette et qu’on la respecte. D’obtenir en somme ce que, bien tardivement, sous le poids du crime dont les leurs furent victimes, nos compatriotes juifs ont obtenu : être enfin acceptés comme français et juifs. L’un et l’autre. L’un avec l’autre. L’un pas sans l’autre. Un antiracisme oublieux et infidèle
Si vous pensez spontanément religion quand s’expriment ici même des insatisfactions et des colères en solidarité avec le monde arabe, univers où dominent la culture et la foi musulmanes, c’est paradoxalement parce que vous ne vous êtes pas résolus à cette évidence d’une France multiculturelle. À cette banalité d’une France plurielle, vivant diversement ses appartenances et ses héritages, qu’à l’inverse, votre crispation, où se mêlent la peur et l’ignorance, enferme dans le communautarisme religieux. Pourtant, les musulmans de France font de la politique comme vous et moi, en pensant par eux-mêmes, en inventant par leur présence au monde, à ses injustices et à ses urgences, un chemin de citoyenneté qui est précisément ce que l’on nomme laïcisation.
C’est ainsi, Monsieur le Président, qu’au lieu d’élever le débat, vous en avez, hélas, attisé les passions. Car cette réduction des musulmans de France à un islam lui-même réduit, par le prisme sécuritaire, au terrorisme et à l’intégrisme est un cadeau fait aux radicalisations religieuses, dans un jeu de miroirs où l’essentialisation xénophobe finit par justifier l’essentialisation identitaire. Une occasion offerte aux égarés en tous genres.
5. Vous avez surtout commis une faute historique en isolant la lutte contre l’antisémitisme des autres vigilances antiracistes. Comme s’il fallait la mettre à part, la sacraliser et la différencier. Comme s’il y avait une hiérarchie dans le crime contre l’humanité, le crime européen de génocide l’emportant sur d’autres crimes européens, esclavagistes ou coloniaux. Comme si le souvenir de ce seul crime monstrueux devait amoindrir l’indignation, voire simplement la vigilance, vis-à-vis d’autres crimes, de guerre ceux-là, commis aujourd’hui même. Et ceci au nom de l’origine de ceux qui les commettent, brandie à la façon d’une excuse absolutoire alors même, vous le savez bien, que l’origine, la naissance ou l’appartenance, quelles qu’elles soient, ne protègent de rien, et certainement pas des folies humaines.
Ce faisant, votre premier ministre et vous-même n’avez pas seulement encouragé une détestable concurrence des victimes, au lieu des causes communes qu’il faudrait initier et promouvoir. Vous avez aussi témoigné d’un antiracisme fort oublieux et très infidèle. Car il ne suffit pas de se souvenir du crime commis contre les juifs. Encore faut-il avoir appris et savoir transmettre la leçon léguée par l’engrenage qui y a conduit : cette lente accoutumance à la désignation de boucs émissaires, essentialisés, caricaturés et calomniés dans un brouet idéologique d’ignorance et de défiance qui fit le lit des persécutions.
Or comment ne pas voir qu’aujourd’hui, dans l’ordinaire de notre société, ce sont d’abord nos compatriotes d’origine, de culture ou de croyance musulmane qui occupent cette place peu enviable ? Et comment ne pas comprendre qu’à trop rester indifférents ou insensibles à leur sort, ce lot quotidien de petites discriminations et de grandes détestations, nous habituons notre société tout entière à des exclusions en chaîne, tant le racisme fonctionne à la manière d’une poupée gigogne, des Arabes aux Roms, des Juifs aux Noirs, et ainsi de suite jusqu’aux homosexuels et autres prétendus déviants ?
Ne s’attarder qu’à la résurgence de l’antisémitisme, c’est dresser une barrière immensément fragile face au racisme renaissant. Le Front national deviendrait-il soudain fréquentable parce qu’il aurait, selon les mots de son vice-président, fait « sauter le verrou idéologique de l’antisémitisme » afin de « libérer le reste » ? L’ennemi de l’extrême droite, confiait à Mediapart la chercheuse qui a recueilli cette confidence de Louis Aliot, « n’est plus le Juif mais le Français musulman » ( lire ici notre entretien avec Valérie Igounet ).
De fait, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), dont vous ne pouvez ignorer les minutieux et rigoureux travaux, constate, de rapport en rapport annuels, une montée constante de l’intolérance antimusulmane et de la polarisation contre l’islam (lire nos articles ici et là ). Dans celui de 2013, on pouvait lire ceci, sous la plume des sociologues et politologues qu’elle avait sollicités : « Si on compare notre époque à celle de l’avant-guerre, on pourrait dire qu’aujourd’hui le musulman, suivi de près par le Maghrébin, a remplacé le juif dans les représentations et la construction d’un bouc émissaire. »
L’antiracisme conséquent est celui qui affronte cette réalité tout en restant vigilant sur l’antisémitisme. Ce n’est certainement pas celui qui, à l’inverse, pour l’ignorer ou la relativiser, brandit à la manière d’un étendard la seule lutte contre l’antisémitisme. Cette faute, hélas, Monsieur le Président, est impardonnable car non seulement elle distille le venin d’une hiérarchie parmi les victimes du racisme, mais de plus elle conforte les moins considérées d’entre elles dans un sentiment d’abandon qui nourrit leur révolte, sinon leur désespoir. Qui, elles aussi, les égare.
6. Vous avez par-dessus tout commis une faute sociale en transformant la jeunesse des quartiers populaires en classe dangereuse. Votre premier ministre n’a pas hésité à faire cet amalgame grossier lors de son discours du Vél’ d’Hiv’, désignant à la réprobation nationale ces « quartiers populaires » où se répand l’antisémitisme « auprès d’une jeunesse souvent sans repères, sans conscience de l’Histoire et qui cache sa “haine du Juif ” derrière un antisionisme de façade et derrière la haine de l’État d’Israël » .
Mais qui l’a abandonnée, cette jeunesse, à ces démons ? Qui sinon ceux qui l’ont délaissée ou ignorée, stigmatisée quand elle revendique en public sa religion musulmane, humiliée quand elle voit se poursuivre des contrôles policiers au faciès, discriminée quand elle ne peut progresser professionnellement et socialement en raison de son apparence, de son origine ou de sa croyance ? Qui sinon ceux-là même qui, aujourd’hui, nous gouvernent, vous, Monsieur le Président et, surtout, votre premier ministre qui réinvente cet épouvantail habituel des conservatismes qu’est l’équivalence entre classes populaires et classes dangereuses ? Une jeunesse des quartiers populaires stigmatisée
Cette jeunesse n’a-t-elle pas, elle aussi, des idéaux, des principes et des valeurs ? N’est-elle pas, autant que vous et moi, concernée par le monde, ses drames et ses injustices ? Par exemple, comment pouvez-vous ne pas prendre en compte cette part d’idéal, fût-il ensuite dévoyé, qui pousse un jeune de nos villes à partir combattre en Syrie contre un régime dictatorial et criminel que vous-même, François Hollande, avez imprudemment appelé à « punir » il y a tout juste un an ? Est-ce si compliqué de savoir distinguer ce qui est de l’ordre de l’idéalisme juvénile et ce qui relève de la menace terroriste, au lieu de tout criminaliser en bloc en désignant indistinctement des « djihadistes » ?
Le pire, c’est qu’à force d’aveuglement, cette politique de la peur que, hélas, votre pouvoir assume à son tour, alimente sa prophétie autoréalisatrice. Inévitablement, elle suscite parmi ses cibles leur propre distance, leurs refus et révoltes, leur résistance en somme, un entre soi de fierté ou de colère pour faire face aux stigmatisations et aux exclusions, les affronter et les surmonter. « On finit par créer un danger, en criant chaque matin qu’il existe. À force de montrer au peuple un épouvantail, on crée le monstre réel » : ces lignes prémonitoires sont d’Émile Zola, en 1896, au seuil de son entrée dans la mêlée dreyfusarde, dans un article du Figaro intitulé « Pour les Juifs ».
Zola avait cette lumineuse prescience de ceux qui savent se mettre à la place de l’autre et qui, du coup, comprennent les révoltes, désirs de revanche et volonté de résister, que nourrit un trop lourd fardeau d’humiliations avec son cortège de ressentiment. Monsieur le Président, je ne mésestime aucunement les risques et dangers pour notre pays de ce choc en retour. Mais je vous fais reproche de les avoir alimentés plutôt que de savoir les conjurer. De les avoir nourris, hélas, en mettant à distance cette jeunesse des quartiers populaires à laquelle, durant votre campagne électorale, vous aviez tant promis au point d’en faire, disiez-vous, votre priorité. Et, du coup, en prenant le risque de l’abandonner à d’éventuels égarements.
7. Vous avez, pour finir, commis une faute morale en empruntant le chemin d’une guerre des mondes, à l’extérieur comme à l’intérieur. En cette année 2014, de centenaire du basculement de l’Europe dans la barbarie guerrière, la destruction et la haine, vous devriez pourtant y réfléchir à deux fois. Cet engrenage est fatal qui transforme l’autre, aussi semblable soit-il, en étranger et, finalement, en barbare – et c’est bien ce qui nous est arrivé sur ce continent dans une folie destructrice qui a entraîné le monde entier au bord de l’abîme.
Jean Jaurès, dont nous allons tous nous souvenir le 31 juillet prochain, au jour anniversaire de son assassinat en 1914, fut vaincu dans l’instant, ses camarades socialistes basculant dans l’Union sacrée alors que son cadavre n’était pas encore froid. Tout comme d’autres socialistes, allemands ceux-là, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, finirent assassinés en 1919 sur ordre de leurs anciens camarades de parti, transformés en nationalistes et militaristes acharnés. Mais aujourd’hui, connaissant la suite de l’histoire, nous savons qu’ils avaient raison, ces justes momentanément vaincus qui refusaient l’aveuglement des identités affolées et apeurées.
Vous vous souvenez, bien sûr, de la célèbre prophétie de Jaurès, en 1895, à la Chambre des députés : « Cette société violente et chaotique, même quand elle veut la paix, même quand elle est à l’état d’apparent repos, porte en elle la guerre comme la nuée dormante porte l’orage. » Aujourd’hui que les inégalités provoquées par un capitalisme financier avide et rapace ont retrouvé la même intensité qu’à cette époque, ce sont les mêmes orages qu’il vous appartient de repousser, à la place qui est la vôtre.
Vous n’y arriverez pas en continuant sur la voie funeste que vous avez empruntée ces dernières semaines, après avoir déjà embarqué la France dans plusieurs guerres africaines sans fin puisque sans stratégie politique ( lire ici l’article de François Bonnet ). Vous ne le ferez pas en ignorant le souci du monde, de ses fragilités et de ses déséquilibres, de ses injustices et de ses humanités, qui anime celles et ceux que le sort fait au peuple palestinien concerne au plus haut point.
Monsieur le Président, cher François Hollande, vous avez eu raison d’affirmer qu’il ne fallait pas « importer » en France le conflit israélo-palestinien, en ce sens que la France ne doit pas entrer en guerre avec elle-même. Mais, hélas, vous avez vous-même donné le mauvais exemple en important, par vos fautes, l’injustice, l’ignorance et l’indifférence qui sont le ressort.
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Manifestation de solidarité
mercredi 23 juillet 18h30 : Denfert Rochereau