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lundi 13 janvier 2014

Conseil de lecture

Repères pour résister à l’idéologie dominante…

Par Thomas Beaubreuil | 6 décembre 2013 | Revue Regards
Le dernier ouvrage du sociologue Gérard Mauger, directeur de recherche au CNRS, n’est pas de ces dissertations savantes sur les enjeux politiques qui se cantonnent au cercle restreint des intellectuels « rive gauche »… Il s’agit au contraire d’un véritable arsenal d’idées, clair et compréhensible, dans lequel chacun et chacune peut venir puiser des munitions pour (re)penser les présupposés du discours politique ambiant. Issu, pour l’essentiel, de la revue Savoir/Agir production critique publiée aux éditions du Croquant, ce corpus de textes donne des réponses concrètes aux (faux) débats qui structurent le quotidien politico-médiatique. Les lecteurs et lectrices y trouveront, par exemple, des outils solides pour démonter l’idée que le Front National se nourrirait du vote ouvrier et plus largement de celui des classes populaires… Ils trouveront encore des arguments étayés pour répondre à ceux qui ne voient dans le FN et le Front de gauche que deux formes peu différentes de l’ « extrémisme » et du « populisme ».

Les fondamentaux de la doctrine libérale sont également passés au crible : les affirmations péremptoires selon lesquelles il n’y aurait « pas d’alternative » au système capitaliste, qu’il faudrait le « moraliser » ou encore « réformer » l’État social pour le « moderniser » sont déconstruites au fil des pages, en s’appuyant sur une analyse robuste, illustrée par de nombreux exemples tirés de l’actualité. Le sociologue rappelle, notamment, comment la notion de « réforme » appartenant au départ au lexique de la gauche française et attachée aux partis du « progrès social », est passée en quelque décennies dans le camp adverse. La nouvelle acceptation du mot, libérale et orientée vers le détricotage de l’État providence, s’est imposée dans les médias et le langage courant, sans que l’on ne songe à considérer que son sens initial a été ainsi inversé. L’idée que la « modernisation » de l’État passe par un retour en arrière et une réduction des avancées sociales d’hier, fait pourtant désormais quasiment l’unanimité...

Mais bien d’autres thématiques de l’« idéologie dominante » sont aussi abordées avec le même souci de « donner des billes » à tout ceux et celles qui souhaitent faire avancer une « gauche de gauche » : « insécurité », « diversité », « disparition des classes sociales »… L’auteur montre comment la monté en puissance de ces problématiques, au cours de ces trente dernières années, a conduit à « occulter la question sociale ». Dans la même période, les forces politiques qui représentaient les classes populaires régressaient, alors que ces dernières continuent de former aujourd’hui plus de 50% de la population active. À partir de ce constat, Mauger ébauche des pistes intéressantes afin d’expliquer le déclin du « vote de classe » dans les catégories populaires et propose un certain nombre de solutions afin d’y remédier. En cette période de disette intellectuelle, où les raisonnements des « spécialistes » et des « experts » sont devenus interchangeables, cette étude originale constitue un compagnon fort utile pour toute personne intéressée par un regard critique sur les termes du débat politique.

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